LA LÉGENDE de la VILLE d’Ys – I – LA PROPHÉTIE

A Behrouz Chahid Nourraï

Ys… Ys…
Réveille-toi !
Bientôt tu vas mourir.
Il approche ton ennemi, tout de rouge vêtu
Sur son cheval de nuit.
Ton ennemi… Le tien, le nôtre,
Depuis le commencement des temps.
Déjà, Dahud,
La fille indigne de ton roi
Etire ses longs bras et lisse ses cheveux.
Elle rêve sa nuit d’amour.
Qu’il était beau, Even, le fils de Béléan…
Mais lui,
Les gardes l’emmènent
Et puis l’étranglent.
Bientôt une barque noire
Jettera ce corps supplicié
Au plus profond du gouffre
D’où rien, jamais, ne remonte.
Oh ! Barque de Caron…
Oh ! Gouffre de Plogoff ! Bientôt
La mère de Dahud, avec les fées des eaux,
Pleurera des larmes d’écume

En berçant dans ses bras la trop tendre victime
Du plus affreux des sacrifices.

Ys… Ys… Réveille-toi !
Prends la princesse indigne.
Jette-la dans le gouffre où dorment ses amants.
Si tu ne le fais pas,
Je te le dis… Je te le dis :
Avant même que naisse un nouveau jour ;
Avant que les miraculeuses roses du matin
Ourlent de leurs pétales
Les doux nuages nouveau-nés
Dans le ciel frais lavé ;
Avant que le soleil vienne les poudrer d’or,
Tu seras morte…
Il ne restera rien de toi.
Rien qu’un reflet, tremblant au fond des eaux,
Déformé, disloqué
Par le lent balancement des vagues.
On parlera de toi jusqu’à la fin des temps,
Mais toi, tu seras morte.
Des millions de regards
Scruteront en vain la profondeur des eaux
Pour tenter de t’apercevoir…
Rêveront les amants,
Rêveront les poètes,
En contemplant le ciel que tu as contemplé.
On parlera de toi jusqu’à la fin des temps,
Mais toi, tu seras morte.

Tout est écrit…
Tout est écrit. On ne peut rien changer.
Ys dort.

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