CRI

J’entends les fers de ton cheval,
Mort… O mort.
Je vois le noir de ton manteau
Rayer la soie noire de la nuit.
Tu m’entoures très lentement
De larges cercles concentriques ;
Mais je sais toujours où tu es.
Je connais si bien ton odeur :
Odeur de terre, odeur de rapt.
Je sens ton haleine au passage
Quand tu décides, brusquement,
De rompre ces cercles de nuit
Pour considérer de plus près
La bête rompue, ta victime.
Tu n’as qu’une idée : me saisir
Entre tes bras si froids… Si froids ;
Et puis me jeter en travers
De ton cheval aux yeux de glace.
Je ne veux pas de tes caresses ;
De tes baisers à lèvres closes. Mort…
Oh ! Mort, Va-t-en !

Cette nuit noire, je n’en veux pas.
C’est la nuit rouge qu’il me faut
Avec ses ardeurs et ses cris :
Cris de passion et de douleur.
Je ne veux pas partir ainsi,
Vieille sœur Anne sur sa tour
Fixant un horizon désert.
Je veux l’esprit, je veux le cœur,
Je veux le corps, je veux l’amour
De quelqu’un, de n’importe qui.
Je ne veux pas mourir ainsi.
O toi que je ne connais pas.
Je veux ton front sur mon épaule,
Et je veux ton cœur près du mien.
Je veux l’attente exacerbée,
Je veux tes refus, mes attaques,
Tes regards qui cherchent les miens
Sous la caresse de nos mains.
Voir ton visage de passion,
Et puis t’offrir aussi le mien ;
Ces visages mystérieux
Que personne ne doit connaître.
Je veux tes mots, tes mots d’amour ;
Je veux tes mensonges et tes larmes,
Et que tu veuilles aussi les miens.
Je veux l’amour, l’amour total,
L’amour délicat et brutal.
Alors, et seulement alors
Mort… Oh ! Mort,
Je te dirai : « Viens. Je suis prête ».

Je te vois rire à grandes dents,
Mort… O mort.
Rire sans joie, rire de mépris.

Oui. J’ai rêvé. C’est déjà trop..
Je me sens soudain ridicule.
Tu es mon miroir, et j’y vois
Ce visage marqué de rides,
Et ce corps lassé, qui se tasse
Sous le poids sans cesse augmenté
De tant de jours ; de tant de nuits.
Passés, le printemps et l’été…
Tombent les rousses feuilles mortes…
La neige les recouvrira. Il y a un temps pour rêver.
Un autre, pour se souvenir…
Et regretter.
Solitude !
Deviens mon choix, ma paix, ma terre.

Versailles – Août 1984

Poster un commentaire