MA REINE D’EGYPTE

A Amy Nosrak Matouk

C’était un soir,
Au Caire,
Ambiance précieuse,
Ouatée ;
Décor pensé,
Étrange… Rare.
Oasis lumineuses
De merveilles
Savamment éclairées,
Et troublant clair-obscur.
Une grotte marine
Voguant entre le ciel
Et les arbres…
De quelque part
S’infiltrait dans la pièce
Une musique
Savante et douce,
Coupée
De vagues de passion
Et d’ondes de silence,
Qui rendait la conversation
Syncopée,
Hésitante
Entre des violences tempérées,
Une sourde nostalgie,
Et le repli
Sur des plages muettes.
Un serviteur silencieux
Dosait savamment les whiskies,
Et la senteur miellée du tabac
Rendait l’air
Presque charnel.

Notre légère ivresse
Enveloppait les visages
Et les choses
D’une blondeur brumeuse,
Dorée.
Un jeune esthète
Conseiller d’ambassade
Et disciple de Gobineau,
Énonçait d’une voix mesurée
Et sarcastique,
Quelques sentences
Sur l’art politique
Et la littérature.
J’écoutais…
Je rêvais, surtout.
Je savourais ces instants hors du temps
Flottant sur un ciel éphémère.
Nous étions là…
Mais quand elle se mit à parler,
Nous ne fûmes plus
Que des ombres.

Ce soir-là,
J’ai rencontré
Ma reine d’Égypte,
Belle comme Néfertiti
Et sage comme Hatshepsout.
Lovée sur elle-même
Dans ses châles noirs ;
Fauve au repos,
Tigresse
Éminemment civilisée,
Elle relevait
Sans cesse
D’une main lente
Aux ongles interminables,
Sa sombre chevelure.
Elle semblait irréelle…
C’était la vie même.
Elle nous parla de l’Egypte :
Mouvement, bruit, fureur,
Et désert ;
Mystère
Et lumière ;
Patrie des Dieux,
Berceau des civilisations.
Elle parla aussi de Venise,
D’un vieux palais sur la lagune ;
D’une soirée au Florian
Avec Lucchino Visconti.
Des gens, un peu étranges,
Renaissaient un instant

Sous ses lèvres,
Pour s’évanouir
Dans ses silences…
Sa voix rauque,
Légèrement voilée,
Agissait sur nous
Comme un philtre d’absence.
Nous étions le désert.
De la Vallée des Rois.
Nous étions la lagune
Devant la Salute.
Lorsque nous la quittâmes,
Il faisait presque jour.
Las !
Ce n’est plus qu’un souvenir…
Tu ne me parleras plus
De l’Egypte,
Ni de Venise.
Je ne reviendrai pas
Dans ton palais étrange.
Nous n’attendrons plus,
Ensemble,
Le lever du jour
Sur Zamalek.
Souviens-toi…
Nous disions
Que nous nous reverrions.
Ni toi,
Ni moi,

N’y avons cru.
Très loin de toi
Veille mon cœur.
Je ne te verrai plus,
Noire Déesse de la nuit.

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